dimanche 22 décembre 2013

Splendore a Venezia – 19 décembre 2013


Venise est pour moi le Paradis sur terre. D’ailleurs, je ne m’en souhaite aucun autre après mon trépas. Aussi, comment ne pas être meilleur client pour une exposition sur la Sérénissime ! J’ai couru à Londres (en décembre 2010), spécialement pour aller voir une exposition sur Canaletto et ses rivaux. J’ai mis de la pression sur L’Autre pour que nous allions voir l’exposition Guardi, au Museo Correr de Venise, lors de notre dernier séjour pour le Carnaval, en février dernier. J’ai aussi passé le plus clair de mon temps (et celui de L’Autre) dans les salles italiennes de la National Gallery of Art de Washington, en juin dernier. Pourquoi ? Mais pour voir la peinture italienne, mais surtout pour voir Venise à partir des tableaux des meilleurs vedutistes et amoureux de celle-ci (Canaletto, Carlevarijs, Guardi, Bellotto, Turner, etc.). Aujourd’hui, ces peintres seraient des paparazzis épiant et saisissant, sous toutes ses coutures, les moindres secrets de la plus belle… Venise. De façon plus prosaïque, ils produiraient ou vendraient des cartes postales que tout cartophile avisé collectionnerait sans ambages.

MBAM : Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768)
Le Bucentaure au Môle le jour de l'Ascension (détail).

Et après cette introduction, quoi penser de l’exposition du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) Splendore a Venezia Art et Musique de la Renaissance au Baroque dans la Sérénissime. Laissez-moi encore quelques minutes pour y réfléchir. Mais d’entrée de jeu, c’est un défi que de vouloir réinventer la muséographie d’une exposition. Amalgamer l’histoire de la musique et l’histoire artistique et picturale d’une ville comme Venise lors d’une même exposition, cela relève du défi, de l’exploit. Pourquoi ? Mais parce que c’est comme essayer de définir la conscience (petite pensée ici pour mon ami Gérard)… c’est tout et rien à la fois… c’est une plénitude en-soi… c’est ce qui différencie l’Homme de la Bête (et encore !). Les Beaux-Arts et la « belle » musique sont là pour nous faire vibrer, nous transcender. C’est ma quête du nirvana. Et quel état de sérénité suprême, si cela se passe dans la Sérénissime !

Giambattista Tiepolo (1696-1770) - Le couronnement de la Vierge (détail).
Giambattista Piazzetta (1683-1754)
Le chanteur.

Comme vous le savez, j’ai lu le catalogue de l’exposition avant d’y aller avec mon ami Jean. À part mon commentaire sur le mot de bienvenue des deux coprésidentes de l’Association des bénévoles du MBAM, j’ai beaucoup aimé celui-ci. Très instructif et beaucoup plus explicite que la visite de l’exposition. Car le mariage de la musique avec les Beaux-Arts n’était pas aussi évident dans les salles que dans l’argumentaire érudit étoffant cette exposition. Pire, le CD thème pour accompagner l’exposition ne propose pas d’œuvres vraiment intéressantes (j’ai dix fois mieux dans ma propre discothèque) et l’audioguide (oubliez ça ! – J’y reviendrai !). Afin de vous préparer pour votre visite de l’exposition et vous mettre dans l’atmosphère musicale de cette époque (entre le Renaissance et le Baroque), je vous propose une liste chronologique (parfois commentée) des principaux compositeurs vénitiens qui ont marqué l’histoire musicale de la ville :

1.   Adrian Willaert (1490-1562) : Flamand d’origine, né à Bruges, il devient maître de chapelle à la Basilique Saint-Marc. Surtout connu pour ces motets et madrigaux (Le Vieux Letrose), on lui attribue la création de l’école vénitienne (entre 1550-1610).

Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768)
Intérieur de Saint-Marc, Venise.
2.   Andrea Gabrieli (1535-1585) : Élève de Willaert, il devient organiste à la Basilique Saint-Marc (en 1566). Il a aussi beaucoup composé de motets, de madrigaux et de musiques sacrées (Psaume 130) et vocales.
Bernardo Strozzi (1581-1644)
Musiciens ambulants (détail).
3.   Giovanni Gabrieli (1554-1612) : Encore plus célèbre que son oncle, organiste lui aussi à Saint-Marc, il a été une figure importante dans la transition entre la musique de la Renaissance et la musique baroque. Il a été l’un des compositeurs les plus réputés d’Europe et particulièrement pour le style concertant polyphonique et pour ses sonates, œuvres sacrées et vocales.
4.   Giovanni Bassano (1558-1617) : Cornettiste, il fut l’un des grands acteurs du développement de l’ensemble instrumental de la Basilique Saint-Marc. Principalement connu pour ses motets et ses concerts ecclésiastiques (Fantaisie à trois voix - VI), dans le style polychoral vénitien.
5.   Claudio Monteverdi (1567 – 1643) – Peut-être le meilleur madrigaliste italien, sinon Vénitien, il est aussi considéré comme l’un des créateurs de l’Opéra, avec la création de L’Orféo (1609), premier chef-d’œuvre du genre.
6.   Tomaso Albinoni (1671-1751) : Violoniste et compositeur, il a été maître de chant à la Basilique Saint-Marc. Il a composé près de 80 opéras, une trentaine de cantates, mais c’est son œuvre instrumentale qui nous est parvenue (Concertos pour hautbois et violon). Par ailleurs, L’Adagio d’Albinoni n’a pas été composé par lui, mais bien par Remo Giazotto (en 1958 – Oui ! Oui !), qui l’a composé à partir d’une sonate perdue d’Albinoni. Le thème de cet adagio se retrouve néanmoins dans plusieurs œuvres musicales du XVIIIe s. Ciel ! Cela me rappelle le fameux concert Mort à Venise avec la « fanfare bavaroise », d’octobre dernier à la salle Bourgie du MBAM.
Wikipedia :
Caricature de Vivaldi
par Leone Ghezzi.
7.   Antonio Vivaldi (1678 – 1741): Il Prete Rosso (Le Prêtre Roux). Virtuose du violon et un des plus importants compositeurs de la période baroque. Il a excellé dans la musique instrumentale et la musique lyrique (œuvres sacrées, opéras, etc.). Il est à l’origine de la célébrité des concerts de la Pio Ospedale della Pietà, où il a été maître de violon. Jean-Jacques Rousseau, fasciné par la beauté de leurs voix, a écrit dans ses Confessions : « Je n’ai pas d’idée de quelque chose d’aussi voluptueux et émouvant que cette musique, la richesse de l’art, le goût exquis de la partie vocale, l’excellence des voix, la justesse de l’exécution, tout dans ces délicieux concerts concourt à produire une impression telle, que je suis d’avis qu’aucun cœur ne puisse y résister ». Les Quatre Saisons est son œuvre la plus connue, mais aussi l’une des plus connues du répertoire classique, tous compositeurs confondus. Mais je vous suggère aussi d’écouter son Stabat Mater (aussi émouvant que celui de Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736), compositeur napolitain de la même époque, mort de tuberculose à 26 ans... un autre petit Mozart !), son Nisi Dominus et son Crucifixus. La version de l’Ensemble Matheus de ces trois œuvres est une pure musique céleste… pour un avant-goût, cliquez ici ! On peut aussi faire un cocorico (comme aiment si bien le faire nos cousins français), car la chaleureuse et merveilleuse Marie-Nicole Lemieux y est particulièrement en forme.



8.   Vous savez, moi, les Quatre saisons de Vivaldi, j’en ai un peu soupé. On a entendu cette œuvre moult fois et ce, à toutes les sauces, à souhaiter devenir sourd. À Venise, c’est une des attrapes tou-tous, que l’on interprète à toute vitesse (je ne l’avais jamais entendue jouer aussi vite !!!) à tous les soirs dans la Chiesa di San Vidal (près du Ponte dell’Academia). Ce n’est pas l’œuvre qui n’est pas belle, mais bien comment on l’interprète et ce que l’on en fait. Heureusement, il n’y a pas que du mauvais… et parfois, il y a même du génie. Pour vous en parler, acceptez que je vous raconte un rêve que j’aurais aimé faire. Lors de mon dernier séjour à Venise, j’allais prendre un Spritz ou un café au Caffè Florian (selon l’heure que vous choisirez) et là, assis pas trop loin de ma table, il y a Antonio, Philip et Arvö en pleine discussion avec une quatrième personne. Mais, que font mes vieux potes avec ce mec, que je ne connais pas ? Comment se fait-il que je n’ai pas été averti, voire invité ?!? Je les sens fébriles, comme s’ils étaient sur le point d’exploser dans un élan créatif. Que devrais-je faire ? Aller les confronter !?! Empêcher cette jam session mentale ?!? Je me décide et je vais à leur rencontre. Surpris, mais ravis de me voir, mes amis me présentent à Max et celui-ci, voyant que j’ai avec moi un magnétophone, me tire par la manche et m’entraîne avec le reste du groupe sur la Piazza San Marco, où l’on court de l’autre côté, pour monter sur la scène du Caffè Lavena (moins connu, car dans l’ombre du précédent – même s’il est du côté plus ensoleillé de la place) et prendre possession des instruments, laissés là par les musiciens. Et là, se produit un miracle, que j’aimerais vous faire écouter… Les Quatre saisons (de mon ami Antonio Vivaldi) réinventées (certains diraient recomposées) par mes amis Philip Glass et Arvö Part, mais dans les faits, par mon nouvel ami, Max Richter


Je reviens au présent. 
Vous voulez avoir une émotion en visitant l’exposition Splendore a Venezia !! Ne prenez pas l’audioguide (mal foutu et sans narration, dont les numéros de référence sont quasi invisibles dans les salles et qui ne fonctionne que de façon intermittente !!), de toute façon, la même musique joue dans les salles sans que vous ayez besoin de mettre des écouteurs. Téléchargez plutôt ces 4 saisons recomposées et apportez votre iPod, iPad, iPhone ou un équivalent et débutez votre visite. Créez votre atmosphère (on y reviendra plus loin) et magnifiez dans votre esprit la qualité des œuvres que l’on vous propose.

9.   Pour celles et ceux qui n’aiment pas la musique classique et la poussière des musées, je vous propose à la place une petite visite rapide dans Venise, accompagnée d’une musique plus contemporaine et Pop, avec la belle voix de la jolie chanteuse italienne Giorgia, dans « E’ L’amore che conta ».

Bon, vous ne pourrez pas dire que je ne vous aide pas dans votre choix d’ambiance musicale pour apprécier l’exposition du MBAM. Il y en a pour tous les goûts, car ceux-ci ne sont pas à discuter. Assez pour la musique ! Et maintenant, quoi dire sur les œuvres picturales et les instruments de musique de l’exposition. Pour les derniers, je n’ai rien à dire, car je n’y allais pas pour ça ! Autant j’ai été prolixe sur la musique (et probablement plus que dans l’exposition elle-même !?!), je serai en réaction laconique dans mes propos sur la partie beaux-arts de l'exposition. À un tel point, qu'il n'y en aura pas !... car une légende ajoutée à une photo vaut bien plus que mille mots.

Jacopo Comin (1518-1594) - Le Concours entre Apollon et Marsyas (détail).

Giambattista Tiepolo (1696-1770) - Le menuet.

Giovanni Busi, dit Cariani (1485-11547) - Le joueur de luth (détail).

Luca Carlevarijs (1663-1730) - Le palais des Doges et le Grand Canal, Venise. 
 
Francesco Guardi (1712-1793) - Vue du Grand Canal et du Pont du Rialto, Venise. 

Francesco Guardi (1712-1793)
Vue de la place Saint-Marc montrant la Basilique et le Campanile (détail). 

Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768)
Saint-Marc et la tour de l'horloge (détail).

Giambattista Tiepolo (1696-1770)
Apelle peignant le portrait de Campaspe (détail). 
Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768)
Venise : La fête de Saint-Roch.
Venise : La fête de Saint-Roch (détail).
Venise : La fête de Saint-Roch (détail).







Venise : La fête de Saint-Roch (détail).

Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768)
Le Bucentaure au Môle le jour de l'Ascension (détail de la galerie du Palais des Doges).

Finalement, est-ce que j’ai aimé l’exposition Splendore a Venezia ?
OUI, mais je trouve que le mariage beaux-arts et musique ne s’est pas révélé aussi convainquant que je l’aurais souhaité. Initialement, le projet avait été entrepris avec le Musée de la musique à Paris. Les aléas ont fait que ce dernier s’est retiré du projet, qui a été poursuivi seul, par le MBAM. Est-ce là la raison pour laquelle je suis demeuré sur ma faim, du côté musical ? Peut-être ! Le mélange des deux genres a produit une exposition, que je qualifie d’atmosphère. Ce n’est pas négatif, loin de là. Dans les faits, ce qui est important est davantage l’émotion que l’on ressent lors de sa visite, que l’érudition recherchée par un quelconque exégète de Venise ou de la musique italienne, de la Renaissance au Baroque. Pour faire plus simple, ma vieille cousine Arletty dirait : « Atmosphère ! Atmosphère ! Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? » Et moi d'ajouter : « Venise ! Venise ! Que Venise m’en mette plein la gueule ! »

Aperçu d'une des salles de l'exposition au MBAM.

Gondole de Guy Laliberté -
Quand on a tout, pourquoi pas aussi une gondole (détail).

Jacopo Bassano (1510-1592) - Les Noces de Cana (détail).
Je vous laisse sur cette photo, car le vert de la nappe m'invite à débuter la lecture de mon dernier achat :

2 commentaires:

  1. Cher Camil, quelle érudition !

    Un réel plaisir (non coupable) de te lire...

    Linda XX


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  2. Erreur de manipulation ci haut, désolée.
    Tu as mentionné le peintre Turner, tu sais quoi? je suis amoureuse de lui. Quel génie. La lumière irradie dans ses oeuvres. C'est un paysagiste unique, ses couleurs et sa façon de les appliquer me jettent par terre d'admiration. L'évanescence de ses aquarelles qui sont des recherches visuelles incroyables pour l'époque me chavirent l'oeil de bonheur.
    Merci pour ces cours d'histoire de l'art. Cela me touche également, je vais lire à petites doses car c'est intense ce blog.

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