lundi 24 août 2015

Naples (Jour 1) – 15 au 18 juillet 2015



Accompagnement musical


Il n’y a pas que les balades et les chansons entraînantes de l’été pour nourrir l’âme… C’est bien beau un instant, c’est bien enlevant sur la route des vacances, mais parfois il faut revenir aux choses qui nous émeuvent, qui nous élèvent. Nourrir l’âme est un impératif aussi important que l’apéritif.

Parler ou se laisser parler de Naples, mérite mieux qu’Una notte a Napoli ou bien qu’une cigarette (Sigarette), aussi bonne soit-elle. C’est pour cela que je vous propose donc le Stabat Mater (concerto en fa mineur… ce choix de clef musicale n’est pas un choix innocent, il est là pour l’introspection, il est là pour nous émouvoir, nous élever) de Giovanni Battista Draghi dit Pergolesi (Jean-Baptiste Pergolèse, en français) – né à Jesi en 1710 – mort à Pouzzoles en 1736, à juste 26 ans. Dommage! Cette  œuvre aurait été créée (selon l’inscription sur la façade de l’église Saint Ferdinand – chiesa di San Fernandino) à Naples en 1736, année de sa mort, et depuis y a été interprétée sans interruption tous les Vendredis saints. Juste pour cela, j’irais bien faire mes prochaines Pâques à Naples (si seulement…). Ce concerto fait partie de la liste courte des œuvres musicales que j’apporterais avec moi si je m’exilais sur une île déserte (avec tout Bach et Haendel, avec des grands pans de Mozart et de Vivaldi… pour les nombreux autres je choisirais à la pièce… mais j’aurais besoin d’une très grande barque ou d’un iPod avec une capacité de mémoire infinie). J’ai au moins sept versions de cette œuvre dans ma discothèque. Je ne prétends pas avoir l’érudition, ni la collection d’Edgar Fruitier, mais peut-être suis-je un petit Edgar campagnard quand vient le temps d’écouter et de thésauriser le répertoire sacré et baroque. Aussi, le dilemme a été de choisir quelle version vous proposer (et qui soit disponible sur YouTube). Je vous avais déjà proposé une version dans ma page sur l’exposition Splendore a Venezia, comme miroir au Stabat Mater de Vivaldi car ces deux œuvres magistrales s’équivalent par leurs beautés et leurs transports vers la béatitude. Je n’ai pas pu choisir entre mes deux plus belles versions et le résultat de ma recherche sur la toile. Je vous propose donc trois versions, comme si nous étions en cours d’écoute musicale comparative. Faites l’exercice de les écouter, les trois (au moins des extraits), et faites votre choix. Je vous assure, ce ne sera pas du temps perdu, mais bien un cadeau que vous vous ferez et une occasion de communier avec le divin :
  • Version de Claudio Abbado, avec le London Sympony Orchestra. Solistes : Margaret Marshall (soprano) et Lucia Valentini Terrani (alto), 1985. Je verse une larme ou deux à chaque écoute. Quelles voix magnifiques. C’est céleste ! On ne peut pas ne pas ressentir la douleur de la Mater dolorosa. C’est un monument au sacré et à l’émotion.


  • Version de Christopher Hogwood avec The Academy of Ancient Music. Solistes : Emma Kirby (soprano) et James Bowman (haute-contre), 1989. Aussi belle que la première, cette version a pour avantage de proposer un duo de solistes composé d’une soprano et d’un haute-contre, à défaut d’un castrat. C’est ce qui se rapproche le plus de ce que cela devait être lors de la création de l’œuvre. La question à se poser est la suivante : est-ce que le castrat chantait la partition de la soprano ou bien de l’alto ? Il faudrait demander à Farinelli. Farce à part, ce qu’il faut retenir de cette version c’est l’harmonie et le timbre exceptionnel des deux voix. Je profite aussi de l’occasion pour souligner le magnifique travail et le timbre de voix de James, une rareté et un précurseur pour l’époque.


  • Cette œuvre céleste ne se démode pas (même Bach l’a reprise et adaptée en allemand – le Psaume 51, BWV 1083) et l’engouement est toujours très actuel… aussi, je vous propose une version beaucoup plus récente (magnifique découverte pour moi) enregistrée au château de Fontainebleau (avril 2014) de Nathalie Stutzmann avec Orfeo 55. Solistes : Emöke Baráth (soprano) et Philippe Jaroussky (contre-ténor) – juste pour toi Joanne. Quelle prise de son… quel équilibre entre les instruments et les voix. Quelle sublime interprétation. BRAVO ! Nathalie nous propose une relecture fine et personnelle (entre autres au début du premier aria « Cuius animam gementem ») qui me fait remettre en cause mon allégeance, jusqu’à ce jour inconditionnelle, à mes deux grands maîtres que sont Claudio et Christopher (cette fois-ci, la France l’emporte sur l’Angleterre). Si je vivais en France je m’abonnerais sans la moindre hésitation à leur série de concerts.


Écoutez bien les différentes versions, mais surtout n’oubliez pas de lire et regarder ce qui suit… mes propositions d’accompagnement musical ne sont là que pour agrémenter votre lecture de la page et non pas vous la faire oublier.




NAPLES


Comment débuter le récit de mes (de nos) trois jours passés dans cette ville décatie, plurielle et bourrée de trésors et d’histoire. J’ai essayé de vous la décrire en quelques mots, en guise d’introduction. J’ai tenté quelques lignes, mais comme je cherchais à vérifier si Naples avait une épithète (comme la Ville Éternelle, pour Rome ; la Ville Lumière, pour Paris ; etc.), j’ai relu les premières lignes d’introduction que propose Le Routard. Je les ai trouvées plus appropriées et bien meilleures de celles que je pourrais écrire. Permettez-moi de les citer :

« Cette ville dégage une identité folle : turbulente et éruptive, à l’image du Vésuve découpé en toile de fond. Fantaisiste, dévergondée, chahuteuse, Naples ne supporte pas l’hypocrisie et fait se côtoyer à chaque instant le sacré et le profane, aristos et populos, grandeur et décadence. Camorra, crise des déchets, chômage… ces maux endémiques alimentent encore et encore les médias, et donnent des poussées d’eczéma à une Italie du Nord sûre de son fait. Pour vous, voyageur, Naples est surtout une fascinante ville-musée à ciel ouvert dont les habitants vous accueillent avec une spontanéité sans pareille. »

C’est tellement vrai ! Bon, c’était notre deuxième séjour dans cette ville méridionale d’Italie, mais cela faisait des lustres, vingt ans depuis notre première visite. C’était comme si L’Autre et moi n’y étions jamais allés. Je me souviens des consignes de sécurité aux voyageurs d’alors (faire attention de ne pas se faire défoncer la voiture, de se faire voler dans la rue, etc.) qui nous avaient fait voir, pressentir, la ville comme dangereuse (nous étions si gentiment naïfs et néophytes !?!). C’est plus dégourdis et aguerris que nous y sommes revenus cette année. Pour ma part, j’avais aussi dans mes bagages les souvenirs de mes lectures plus ou moins récentes ayant Naples pour théâtre, comme par exemple :
  • Harold Acton : Les Bourbons de Naples (pour l’histoire royale de la ville et pour en apprendre sur la découverte d’Herculanum et de Pompéi) ;
  • Erri de Luca : Le jour avant le bonheur et Montededio (romans proposant de vraies tranches de vies napolitaines) ;
  • Jean-Paul Desprat : Jaune de Naples (pour les porcelaines de Capodimonte) ;
  • Dominique Fernandez : Dans la main de l’ange, Porporino ou les mystères de Naples et Le Voyage d’Italie (dictionnaire amoureux) (des incontournables pour qui aime Naples, le Mezzogiorno et l’Italie) ;
  • Pier Paolo Passolini : Les Ragazzi et Lettres luthériennes : petit traité pédagogique (pas spécifiquement napolitain, mais en même temps si près) ;
  • Roberto Saviano : Gamorra – dans l’emprise de la camorra (pour comprendre un peu plus cette gangrène qu’est la pègre locale) ; et enfin
  • Jean-Noël Schifano : Chroniques napolitaines (autres tranches de vies napolitaines).

Cela peut sembler un peu prétentieux comme bibliographie, mais cela ne m’a surtout pas servi à épater L’Autre une fois sur place. Au demeurant ces lectures m’auront aidé, un tant soit peu, à mettre en perspective ce foutoir qu’est Naples. Car, c’est vrai, Naples suppure et pue. Naples s’effrite et tombe en ruine. Oui, mais sa richesse est intérieure. Il faut passer outre la déliquescence des lieux, s’avancer plus loin en son sein et ses alcôves. Vous verrez, son âme s’y trouve. Naples est une émotion, une sensation, une lumière. Nous n'y étions que pour 72 heures, mais nous en avons pleinement profité. Je suis certain que vous aurez de la difficulté à croire que nous avons fait tout ce que je m’apprête à vous raconter, à vous montrer.


Première journée


Je me présente humble et nu devant toi, belle du Sud.
Détail d'une fresque dans l'église San Giovanni a Carbonara.
Nef de l'église San Giovanni a Carbonara
En effet, située juste de biais avec notre hôtel, nous avons débuté nos visites dans la ville
par l'ascension du double escalier tournant pour nous rendre dans cette église gothique
(très sobre de l'extérieur, mais très riche en tombeaux et mausolées en son sein).

San Giovanni a Carbonara :
La chapelle Caracciolo di Vico. 

San Giovanni a Carbonara :
Détail du tombeau. 


San Giovanni a Carbonara :
Cette chapelle (achevée en 1516) est un bel exemple d'architecture méridionale
fortement influencée par la Renaissance romaine.

San Giovanni a Carbonara :
Détail du pavement en marqueterie de marbre polychrome.



San Giovanni a Carbonara :
Un teaser pour le Musée archéologique national à venir ?

San Giovanni a Carbonara :
Détail du tombeau de Sergianni Caracciolo, dans la chapelle Caracciolo del Sole.


San Giovanni a Carbonara :
Très beau pavement de majoliques (du XVe s.) de la chapelle Caracciollo...

San Giovanni a Carbonara :
... et ses fresques consacrées à la vie de la Vierge. 

San Giovanni a Carbonara... une petite dernière :
 Plafond d'une petite chapelle latérale qui annonce toutes les patines à venir.


Juste en sortant de l'église San Giovanni a Carbonara.

En montant vers l'église Dei Santi Apostoli (des Saints-Apôtres).
Pour quelle(s) raison(s) pensez-vous que j'ai pris cette photo ?

Pour la porte, les couleurs et les patines ou bien seulement pour montrer une scène de rue ?
Réponse : Pour toutes ces raisons.


Parfois, on se heurte à un problème d'appréciation.
 Pour y voir plus clair, il devient donc nécessaire de prendre du recul...


... il faut aussi prendre son temps,
car y aller trop vite peut davantage compliquer notre compréhension, voire notre appréciation...

... Est-ce du Street Art ou, si vous préférez, de l'art urbain ou, pour certain, déchet urbain ?


Pour finalement comprendre et apprécier l'ironie.
Pour ceux et celles qui ne l'ont pas compris ou vu, il s'agit de la façade
du Liceo artistico statale (collège d'état pour les arts) !?!


Le quartier regorge de patines et d'églises décaties, dont celle-ci (abandonnée),
Santa Maria Vertecoeli (SMV), donnant sur la ruelle du même nom. 


La nature reprend ses droits.

Le côté macabre prend différentes formes...

... comme cette entrée aux enfers.

Je ne pouvais pas non plus rater cette porte.


Plus lumineuse, plus vibrante, l'église baroque Santa Maria Donnaregina
qui fut édifiée au début du XVIIe s. par les sœurs clarisses.
Elle fait maintenant partie du Museo diocesano Napoli (Musée diocésain de Naples)
qui comprend aussi le monastère attenant.

Dans l'antichambre du couvent : 
Belle Madone à l'enfant et
surprenant semi-gisant à l'allure rêvasseuse : pierre tombale de Carlo Loffredo
Geronimo d'Auria e bottega (XVIe – XVIIe s.)

Ange-gardien
Nicolò ou Niccolò ou Nicola Fumo
(Saragnano 1647 – Naples 1725)


San Camillo de Lellis
Peintre inconnu (XVIIe s.)
Je ne pouvais pas ne pas prendre une photo.

San Massimo
Giovan Domenico Vinaccia
(Massalubrense 1625 – † Naples 1695)
Santa Candida di Napoli
Giovan Domenico Vinaccia
(Massalubrense 1625 – † Naples 1695) 





Plafond du chœur de l'ancienne église.
On dirait presque des drapeaux américains ou britanniques.

Détail du plafond à caissons de l'ancienne église.


Détail des fresques de l'ancienne église.

Grille du parloir au monastère des clarisses.


Portes closes du monastère.


Enfin dehors ! (dixit L'Autre)...
Un peu plus il m'aurait crucifié.

Bon ! Bon ! on se calme le pompon.
Il n'y a pas que de l'art sacré à Naples, c'est aussi sapré contemporain,
Comme un jeu d'enfant de Daniel Burenau Museo MADRE.

C'était comme une bouffée d'air frais...


... avant de retourner à la réalité... 
... et dans tout ce fatras.

Mais je suis là pour toi et je t'aime.

Vous vous souvenez de cette image ? Oui ? Non ?
Mais avec du recul, vous connaissez maintenant quelle est la passion de Sophie.
Cela peut être pratique en cas d’urgence.


Les portes sont hautement colorées.


Marchand de bric-à-brac ou débarras débordant sur la rue ?

Ma tête ne tient qu'à un fil.

Même le Christ se trouve à la rue.

Toute une éruption de couleurs.
Est-ce un hommage de Raffo Art à l'œuvre d'Andy Warhol : Vesuvius,
exposée à la galerie de Capodimonte ?

Les tomates en grappe de L'Autre qui me disait que nous en verrions partout à Naples.
Je pense que ce sont les seules que nous ayons vues.


Il y a toujours quelque part un dragon à terrasser.

Ici, le facteur n'a pas besoin de sonner deux fois !


Palazzo Spinelli di Laurino... ou du moins son fantôme.


Je l'ai déjà dit : l'art urbain s'effrite, c'est un art fugitif et temporaire.
C'est souvent la même chose pour les installations contemporaines.


Mi scusi! Qual è la direzione per il Museo MADRE?
Pardon ! Quelle est la direction du Musée MADRE ?


Double autophoto
Je vais dorénavant utiliser ce terme plutôt qu'autoportrait (car je ne suis pas artiste peintre),
que selfie (terme que je déteste) ou
égoportrait (car loin de moi l'idée narcissique de me voir en portrait). 


C'est encore loin Venise ?

Même devant la porte, nous ne l'avons pas franchie.

Il était plus que temps de faire une pause pour recharger nos batteries.
Leurs gelati sont divines et peuvent même ressusciter deux zombies par cette canicule.

C'est rechargés à bloc que nous sommes repartis en trombe...


... pour aller porter une rose... 

... à ces dames.


Au secours !

Colonne de la peste près de la cathédrale (Duomo).


Quelles belles coulures vertes. 


Porte à...
... porte.


Tiens ! il faudra revenir.

Toc, toc, toc !


Bienvenue chez nous...


L’église Saint Ferdinand  Un prélude pour un Vendredi saint...


... et la sublime supplique de la Mater dolorosa.
Toujours une porte... 


... et une autre.
On dirait un vrai chemin de croix. 


Rien de mieux qu'un vin « Vésuvien »...

... pour accompagner une pizza de chez la Pizzeria Sorbillo,
au 32 Via dei Tribunali, ne vous trompez pas d'adresse, car les cousins voisins lui font de la concurrence.

Merci mon Dieu de m'avoir nourri.


Un petit air de Venise ?

Toutes ces boîtes aux lettres. 

Petit détour vers notre hôtel.
Ça c'est une vraie mini 


Décharge de récupération devant notre havre de paix et de fraîcheur.

Pensiez-vous que notre première journée (avec le décalage, la nuit blanche, la route en provenance de Rome et toutes nos visites) était terminée ?
Détrompez-vous, c'était le 15 juillet et nous voulions aller voir la fête de Santa Maria del Carmine :
grande fête populaire durant laquelle le campanile de l'église s'embrase à 22 H dans un simulacre d'incendie.

À l'approche de l'église on sent la fête populaire à venir.

 Les derniers préparatifs de la fête.
C'est l'effervescence dans la sacristie.


Le plafond de la sacristie. 
Plafond de l'église de Santa Maria del Carmine.

Procession de début des cérémonies.

Cette installation n'était pas là en prévision de l’« incendie » du campanile,
mais bien pour sa restauration.

La conséquence a été que nous n’avons eu droit qu’à un vrai pétard mouillé en guise d’apothéose.
C’est un peu penauds et bien fatigués que nous sommes finalement allés nous coucher.

Et sur le chemin du retour vers l'hôtel, ce combat nous a semblé plus terrible la nuit tombée.
J'espère que nous ne ferons pas de cauchemars.




Exit la première journée…
Ça promet pour le reste.






1 commentaire:

  1. Naples, la ville de tous les superlatifs ! Ces premiers pas dans la ville nous en apprend beaucoup sur l'atmosphère qui y règne, ses merveilles mais aussi ses excès. Elle me fait l'effet d'un bijou précieux crado et négligé. Vivement la suite !

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